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LA VERITE : APPROCHE COLLABORATIVE ET CONTEMPORAINE

POUR UNE CLARIFICATION ET UNE REFONDATION ACTUALISEE DE LA NOTION DE CIVILISATION

12 Décembre 2020 , Rédigé par Laurent Vivès Publié dans #CIVILISATION

 
Civilisation - Notion - Concept - Refondation - Clarification - DEFINITION
POUR UNE CLARIFICATION ET UNE REFONDATION ACTUALISÉE DE LA NOTION DE CIVILISATION
Laurent Vivès (ex Praticien hospitalier, Cancérologue, Interniste) 10.12.2020
Remerciements à Pierre Déjean et Jean Cigu, pour nos échanges et leur contribution bibliographique.

 

Introduction générale  : D’après une enquête internationale réalisée par l’IFOP en Novembre 2019, 65% des Français croient à l’effondrement imminent de notre civilisation (1). Depuis, la Covid-19 est passée par là, venant aggraver les craintes immédiates et la peur du lendemain.

Le monde se désagrège, déprimé, inquiet, multi-polarisé, empêtré dans les antagonismes, impuissant à s’opposer aux dangers qui menacent sa survie.

Entre une notion de civilisation mal définie et peu actualisée, une technologie galopante ingérable et une humanité désemparée, ou chacun croit tout savoir, la vérité est masquée et souvent remaniée par le ressentiment grandissant.

En tant que chercheurs de vérité, il nous semble important d’essayer d’y voir plus clair, d’analyser et de comprendre. Comment sommes nous parvenus à cette situation rampante sous une apparence de développement et de prospérité ? Pourquoi un tel contraste entre une technologie triomphante et l’effondrement de l’espérance ? Pourquoi l’émergence du ressentiment, du déclinisme et du complotisme ?

Pour tenter d’y répondre il faut d’abord préciser de quoi parle t’on et revenir sur le sens des mots et des concepts de « civilisation », de « technologie » et de « ressentiment », en reprenant l’historique des processus évolutifs, sans a priori, et en mettant la recherche de la vérité au centre de la démarche. Outre le souci de clarification et de recherche du vrai, nous serons amenés à faire des remarques et des propositions, car il serait malhonnête de découvrir, d’apprendre, de savoir et de se taire.

 

1 - POUR UNE CLARIFICATION ET UNE REFONDATION ACTUALISÉE DE LA NOTION DE CIVILISATION

1a - Petit rappel sémantique :

La Grèce antique savait reconnaître la civilisation (la sienne et celle des autres), mais n’avait pas de mot précis pour la désigner (2). Les barbares étaient ceux qui parlaient une autre langue et ne vivaient pas comme eux.

Civilisation vient du latin « civis » (citoyen). Civilisé vient de « civil » (droit civil, une des racines fondatrices du droit).  Être civil, c’est être poli, éduqué, respectueux des règles et d’autrui.

Montaigne et Descartes ne connaissaient pas le mot français « civilisation », qui est apparu dans son acception moderne en 1756 (Victor Riqueti de Mirabeau), puis institutionnalisé et introduit en politique par François Guizot en 1836 (3).

Le terme de civilisation a connu des fortunes diverses, jusqu’à être abandonné dans l’entre deux guerres au XX° siècle (sous l’influence des anthropologues et des sociologues), au profit de celui de « culture », puis repris, pour être maintenant largement utilisé dans le langage courant.  En général, il décrit les caractéristiques sociales, religieuses, morales, politiques, culturelles, artistiques, techniques et scientifiques d’une organisation humaine, transmissibles par l’éducation et améliorables par le progrès.

Pour l’Oxford English Dictionary de 2020, la civilisation se définit comme : « Le stade du développement et de l'organisation sociale et culturelle humaine considéré comme le plus avancé ». Ceci sous-entend que la civilisation est avant tout un idéal et que sa définition est encore en devenir.
 

1b - Les Civilisations et la Civilisation

1b1 - Les civilisations, rappel historique :

En 1909 Jacques De Morgan, dans une histoire des civilisations anciennes (4), parle de multiples civilisations toutes différentes, qui se sont créées un peu partout dans le monde il y a environ 10 00 ans, suite à la révolution néolithique et grâce à l’agriculture, qui fut le premier pas vers une autonomie alimentaire et une organisation sociale. L’urbanisation significative a débuté avec Uruk en Mésopotamie, 5000 ans avant J.C. L’évolution fut marquée par les invasions, puis la formation de grands empires, dont les Sumériens, les Chaldéens (9° siècle avant J. C.) et Assyriens, les Perses, la fulgurance du macédonien Alexandre, pour finir avec Carthage et les Romains. L’humanité a grandi dans les guerres, la violence, mais aussi par le langage, les échanges et les mélanges. Les Egyptiens et les peuples de l’Indus ont dépéri, les Incas, Aztèques et Mayas ont été décimés par les conquistadors, la Chine est toujours là (mais son statut actuel de civilisation est interrogé). Les Gréco-romains influencent encore le monde occidental judéo-chrétien.

Plus près de nous, les empires (Byzantin 330-1453, Califat Abbasside 750-1258, Romain-Germanique 962-1806, Mongol 1206-1368, Ottoman 1299-1922, Russe 1721-1917) et les royaumes associés aux religions, ont prévalu, jusqu’au siècle des lumières. Avec eux, les guerres et l’oppression des peuples, les châteaux, les temples, les cathédrales, mais aussi l’art, la culture, la noblesse, les bonnes manières, l’arrivée du confort et de quelques civilités.

La colonisation : entendue comme conquête de territoires et assujettissement des populations autochtones, elle a des origines lointaines (Vikings, Mongols et les colonisations antiques des Grecs, puis des Romains). Les anciens empires avaient grandi en s’emparant de régions connexes. La colonisation de pays lointains, officiellement motivée pour apporter la civilisation, va se faire après Christophe Colomb (1492). Elle va s’amplifier avec les empires coloniaux, dont l’Angleterre, la France, l’Espagne, le Portugal, les Pays Bas….. C’est une entreprise organisée d’appropriation de richesses, de soumission des peuples, d’irrespect de l’identité locale et souvent de mise en esclavage. Clémenceau sera un des premiers à dénoncer ces faits, mais Jules Ferry passera outre au nom de la Lumière et de la Civilisation venues de l’Occident. Il faudra attendre 1948 pour que la déclaration universelle des droits de l’homme par l’O.N.U., mette fin « officiellement » à ces pratiques.

Dans « Le choc des civilisations » (5), publié en 1996 après la guerre froide, Samuel Huntington affirme que les relations entre les peuples ne sont plus idéologiques, politiques ou économiques, mais culturelles et religieuses. Ce travail, plus géopolitique qu’anthropo-sociologique, a eu un grand retentissement sans faire l’unanimité. Il a été revisité par l’auteur et ses contradicteurs, navigant alors entre les risques d’une civilisation mondiale uniformisée dominée par l’Occident, et d’un repli identitaire réactionnel regroupé autour de grands pôles géographiques (Asie, Afrique, Amérique latine). Avec le multiculturalisme ont émergé les concepts de « civilisation - valeur », de « modernité multiple » et de « dialogue des civilisations ».

En 2013, Lawrence Harrisson publie, « Le Choc des Civilisations de Samuel Huntington, vingt ans plus tard » (6). Il pense avec Fukuyama que le capitalisme démocratique n’aura pas d’alternatives avant longtemps. Pour lui, beaucoup des différences, observées au sein de l’index de prospérité des pays (O.N.U.), sont pour partie liées avec leurs religions. Il acte la puissance de la Chine et la difficulté du monde Arabe à se démocratiser, en dépit de multiples avancées dans cette voie, un peu partout dans le monde.

En 2020, la mondialisation domine dans les modes de production, de distribution et de consommation, qu’il s’agisse des biens matériels, des informations et des échanges socioculturels. La civilisation Occidentale prévaut encore par le capitalisme démocratique. L’Islam s’étend et progresse, les libertés régressent, les inégalités augmentent, le monde est divisé avec des foyers de crispations. Les conflits armés, la pauvreté et la dérégulation climatique alimentent les migrations grandissantes. La Covid-19 aggrave l’inquiétude. La poussée de la Chine vers le leadership mondial se confirme. La technologie est omniprésente avec la révolution numérique. Il y a une apparente uniformisation des civilisations qui cache les particularismes locaux avec lesquels se nourrissent les ressentiments.

1b2 - La Civilisation, le concept :

La généalogie du concept de civilisation est riche, complexe, déroutante, peu consensuelle, partant de l’opposition à la sauvagerie et à la barbarie, en passant par la civilité, pour se mélanger avec la culture, puis  évoluer vers le progrès, le développement humain, devenir un mauvais prétexte avec la colonisation, et enfin se magnifier avec le respect mutuel, les idéaux et l’éthique collective.

Dès 1828, pour François Guizot l’idée du progrès et du développement est un contenu fondamental du concept de civilisation (7).

Au 20° siècle, les historiens (Arnold Toynbee, Marcel Mauss et Fernand Braudel) les géographes (Paul Vidal de la Blache, Pierre Gourou) et les sociologues (Norbert Elias), vont montrer l’importance de la géographie, du milieu naturel, du travail et des outils des paysans et artisans, de la gestuelle et des relations sociales. Ainsi se créent des groupes et des modes de vie plus efficaces. La civilisation est plus incarnée par les masses laborieuses et ingénieuses que par la civilité des nobles dans les châteaux (Michel Bruneau (8) et Paul Claval (9). Pour Lucien Febvre et Marcel Mauss (10), il y un acquis progressif de l'animalité à l'humanité actuelle, et la civilisation serait une « sorte de système hypersocial de systèmes sociaux locaux ». Jean Starobinski distingue la « civilisation-valeur » et la « civilisation-fait ». Cependant pour Chryssanthi Avlami et Olivier Remaud (11), « si la civilisation devient une valeur incontestable, on ne mesure plus ses défauts ou mérites, c’est l’excellence, et tout ce qui n’est pas la civilisation devient condamnable. On peut aussi considérer la civilisation comme une valeur à réaliser ».

La civilisation peut aussi produire la barbarie, car selon Robin George Collingwood « plus ses réalisations sont grandes, plus elle met de pouvoir entre les mains des hommes, pour le mal autant que pour le bien » (12). Le progrès avance alors par rejets et surpassements successifs des épisodes de barbarie récurrents. Ainsi, le code de Nuremberg, imposant des considérations éthiques pour la réalisation des essais cliniques, fut rédigé en 1947, à la suite des horreurs des médecins Nazis.

En 2012, le fameux «  toutes les civilisations ne se valent pas » de Claude Guéant a jeté un nouveau discrédit sur le terme, d’autant plus qu’il est difficilement dissociable des idéologies meurtrières du siècle dernier. Le débat « culture ou civilisation » fut ainsi réactivé, à l’aune de la civilisation grecque qui est aussi porteuse d’une très grande culture. Michel Briand et al. (14) ont cependant désacralisé l’antiquité Grecque : « la civilisation gréco-romaine aurait le privilège d’être la civilisation par excellence parce quelle aurait civilisé l’humanité, en ayant inventé des formes culturelles devenues « le patrimoine », parce qu’elle aurait anticipé sur la modernité. Ces « inventions » jusqu’à celle de la notion même d’ « invention », sont en fait des inventions de notre modernité ».
 

1c - Pour une refondation du concept de Civilisation :

Pour autant, le mot « Civilisation » a la peau dure et vieilli très bien: outre son usage banalisé dans les médias et la « vox populi », il fait l’objet d’un nombre incalculable d’articles, de livres, de réunions et séminaires. Plusieurs revues lui sont consacrées. L’O.N.U. a publié sur le sujet, et le colloque de rentrée 2020 du Collège de France s’intitulait : « Civilisations : questionner l'identité et la diversité ». La Chine en fait un enjeu de prestige dans sa marche vers le leadership. Le civilisationisme devient une discipline à part entière, malgré quelques réticences épistémologiques. Il y a même un jeu vidéo « Sid Meier's CivNet  Civilization ».

Cependant, l’examen des diverses définitions proposées montre qu’elles ont peu évoluées. Si l‘éthique y fait une discrète apparition ainsi que le respect d’autrui, il est frappant de constater l’absence totale de référence à la biosphère et sa dégradation. Le progrès est mesuré en termes de domestication de la nature pour le développement humain et de technologie triomphante. De plus, le niveau de civilisation est difficile à mesurer, car il varie d’une contrée à l’autre et au fil du temps. Chacun est persuadé d’être plus civilisé que les autres. Néanmoins, l’O.N.U. s’accorde sur la nécessité d’un dialogue des civilisations, acceptant les différences de cultures et de développements, dans le respect mutuel des identités, sans établir de hiérarchie (14). Pour Denis Duclos, « chaque civilisation apporte quelque chose d'à la fois incommensurable et spécifique à la pluralité humaine » (15).
 
1c1 - Alors, comment refonder un concept relativement récent, très usité et discuté, mais n’arrivant pas à questionner les problématiques de notre époque ?
 
Quelques remarques :
Il associe en fait plusieurs dimensions : anthropologique, ethnologique, historique, sociale, linguistique, culturelle, politique, cosmopolite et universelle, éthique et ontologique. C’est dire sa complexité !
Rappelons le questionnement de François Guizot en 1836 : d’où venons-nous ? Qui sommes nous ? Vers ou allons nous ?
La civilisation concerne les activités humaines en sociétés, nations, grands ensembles (méta civilisations), qui devraient se faire en bonne intelligence avec la nature, dans le respect de la vie sous toutes ses formes et la préservation de la planète.
 
Sa liaison avec la notion de « progrès » est pervertie par le sens du mot qui caractérise une évolution favorable, un développement, une extension, une amélioration constante au fil de l’histoire. Elle doit être revisitée, l'état du monde actuel ne confirmant plus sa pertinence pour notre civilisation, car le résultat de nos activités ne fait pas le bonheur de l’humanité, crée du ressentiment et met en danger la vie sur terre. Dans cette évolution fâcheuse, le mode de vie occidental a une responsabilité très importante.
 

Quatre points sont à développer : les dimensions éthiques et ontologiques, les liens avec la biosphère et le mythe du progrès.

- Concernant l’éthique : il faut prendre ses distances avec la morale, à travers la question de « l’être et du devoir être » (l’homme façonné par la norme moralisante et les règles sociales), et abandonner la conception anthropocentrique de l’éthique. L’homme est partie intégrante de l’univers, dont il porte en lui l’essence constitutive commune, la plus petite partie mesurable insécable, quantum, particule aléatoire, incertaine au potentiel organisationnel et évolutif infini, laissant entrevoir la possibilité d’une intrication originelle de la pensée et de la matière. Nous sommes donc partie liée avec notre environnement qui nous a produits et nous conditionne. Nous savons d’où nous venons, un peu moins qui nous sommes et très mal ou nous allons. Nous sommes les descendants de Sapiens, ce qui crée une filiation fraternelle entre tous les êtres humains. Les différences de phénotypes entre les races n’ont pas d’origine génétique mais sont le fruit, lentement muri, de l’adaptation aux divers milieux géo-climatiques. L’éthique est plus que jamais nécessaire pour réguler les conséquences des progrès scientifiques, mais aussi proposer des repères et des valeurs communs dans le respect des différences et des particularités afin de vivre ensemble en paix et en harmonie avec la nature. C’est ce que proposent Hans Küng et les auteurs du manifeste pour une éthique planétaire (16). Hans Jonas (1903-1993), philosophe allemand, a publié en 1979 « Principe responsabilité » selon lequel nous avons la responsabilité (présente et future) de laisser une terre viable pour les générations suivantes (17). Cela passe par une réduction urgente de notre agir dangereux envers la planète, avec une refondation de l’éthique ancestrale axée sur l’homme et sa morale, vers « l’être du monde » et son avenir.

- Concernant l’ontologie : la mécanique quantique, la possibilité de multivers, les trous noirs, l’antimatière, ne nous éloignent pas trop d’une conception ontologique de l’humain et de l’éthique. Jonas parle aussi de « l’être monde » dans lequel se situe l’être humain. L’homme a besoin de croire et d’espérer, mais cet espoir se noie dans une approche explicative matérialiste du cosmos. Ce débat « science et métaphysique » n’est pas clos, ce que rappelle Carlo Foppa dans son analyse philosophique de la conception Jonassienne de la théorie de l’évolution (18). Réduire l’être humain à un microscopique aléa de l’évolution, condamné à vivre sa finitude, sous la lourde matérialité des choses, est un parti pris nominaliste que les progrès de la science ne vérifient pas, pour le moment. Le génie humain et son affect pour la transcendance sont encore à considérer en 2020, la vie ne pouvant se résoudre à jouir et profiter, sans s’interroger.

- Concernant les liens avec la biosphère et le climat : nous en avons pris conscience depuis moins de 100 ans. Ils se dégradent très vite depuis 50 ans. Les agents impactants sont multiples : pollutions atmosphériques, ordures et déchets plastiques, produits chimiques, métaux lourds, sur-construction, bétons et bitumes, déforestation, monocultures extensives, élevages intensifs, destruction des fonds marins, mines et carrières, surpopulation, etc.. La première Conférence Mondiale sur le Climat s’est tenue à Genève en 1979 et préconisait de mettre en œuvre sans tarder des actions afin de « prévoir et prévenir les changements climatiques qui seraient dus à l’activité de l’homme et dont les effets seraient néfastes pour le bien-être de l’humanité ». Depuis, les réunions, rapports, alarmes et recommandations se sont multipliés. Le G.I.E.C. à été créé, sans effet. Le réchauffement et les désordres climatiques s’aggravent, les engagements des pollueurs ne sont pas tenus (19), les déforestations s’amplifient, la biodiversité régresse, les océans sont très affectés. Pire, le permafrost se réchauffe, émettant du méthane, et les sols végétaux se dégradent (perte des puits de carbone), avec des conséquences attendues épouvantables. Il y a urgence à agir à grande échelle, et pour certains observateurs, il serait déjà trop tard (20 - 21). En 2020, on note cependant une avancée des prises de conscience populaires et certains états font des efforts (22 - 23). La France va créer un délit d’écocide et elle investit dans la filière hydrogène.

- Concernant le progrès, Pierre-André Taguieff nous livre une remarquable analyse dans son essai « L’idée de progrès. Une approche historique et Philosophique » (24). Jusqu’aux années 1970, tout changement était considéré comme un progrès. Ors la notion de progrès suppose celle d’un état final à définir et permettant de juger si un changement constitue un progrès ou non vers cet état. Depuis trois décennies, la multiplication de faits négatifs (répercussions de la technologie sur l’environnement, et incapacité à les améliorer, mondialisation et dégradation des relations internationales, émergence de dictatures, déshumanisation de la quotidienneté, robotisation et crainte de l’intelligence artificielle) conduisent à ne plus croire au  progrès bienfaiteur et à une vie future meilleure. Le « progressisme », mythe structurant des deux derniers siècles est moribond, laissant la place aux déclinisme et au nihilisme post vérité. Donc plus de progrès, mais rien à la place, l’avenir est déprimant, le ressentiment galopant.

Etienne Klein nous emmène vers une autre vision (25) : « le concept de progrès n’est pas coupable ». Nous l’avons mal utilisé. En l’absence de philosophie fondatrice de l’histoire, il est devenu un remède à nos difficultés existentielles, et nous avons cru en son inéluctabilité infinie. Il y a donc urgence à « réinsuffler un réservoir d’humanité, à réhabiliter une éthique de la connaissance et à réveiller la possibilité d’un avenir ». Il faut continuer de développer nos connaissances, d’abord en tirant les leçons de notre présent douloureux, puis en réorientant la marche du progrès du toujours plus, vers un toujours mieux, libéré du matérialisme consumérique et recentré vers « l’être » au détriment de « l’avoir », ce qui suppose une évolution vers la modération et le partage. De plus, le progrès technologique dominant masque les avancées sociales, médicales, pacifiques, culturelles, l’accès à l’information, le développement des loisirs et du sport.

1c2 - Nos propositions pour la nouvelle notion de civilisation :

En 2020, l’idée de civilisation est plutôt construite par les grandes nations, à partir d’un examen (bienveillant) de leurs caractéristiques. Pourtant on ne peut se satisfaire d’une définition descriptive des activités humaines sur des critères qui auraient permis de qualifier de « Civilisation » le Nazisme, les dictatures et les envahisseurs. On ne peut non plus construire le terme autour des modes de vie et des valeurs particulières, car il faut respecter les différences entre les peuples et leurs cultures. Enfin il n’est plus acceptable de résumer le progrès à la domestication de la nature au bénéfice exclusif de l’humanité.

Avant tout, une civilisation doit se composer d’humains, civilisés, c’est-à-dire respectueux de leurs prochains, de leur environnement et capables de partager. En 2020, tous les jours il y a des actes d’inhumanité et de barbarie : irrespect, agressivité, fanatisme, violence, attentats, guerres, crimes contre la planète. Le partage entre les civilisations, les continents, les nations, les régions et tous les humains, est encore bien mis à mal par l’égoïsme, le consumérisme, l’exploitation et la course au profit. Tant que nos sociétés n’auront pas résolu le problème de « l’Être civilisé ou barbare», on ne pourra pas parler de civilisation avec précision. Lire la page consacrée à « Sauvage – Barbare – Civilisé : de quoi parle t’on ?

Reprenons la définition actuelle du mot "Civilisation": « les caractéristiques sociales, religieuses, morales, politiques, culturelles, artistiques, techniques et scientifiques d’une organisation humaine, transmissibles par l’éducation et améliorables par le progrès, pour arriver au stade du développement et de l'organisation sociale et culturelle humaine le plus avancé ». Cette définition propose des items sans en préciser le contenu, elle est descriptive, résume le progrès au seul développement humain, sans préciser ce que l’on entend par stade le plus avancé. Elle ne s’applique pas aux tribus primitives recluses. Elle a été utilisée pour justifier des invasions et les colonisations. Elle est imprécise et permet toutes les extrapolations. A notre sens elle est un consensus mou, cache-misère du devenu humain, empêtré dans les conflits et la barbarie, la domination de la technologie, l’incapacité à construire un monde pacifié et qui se met en danger, alors qu’il faudrait une approche holistique, ou au moins heuristique, pour proposer une autre voie.

Après toutes ces considérations, voici nos propositions pour la refondation du concept de civilisation :

« Est civilisé un groupement humain composé d’hommes et de femmes qui sont respectueux d’eux-mêmes, de tous leurs prochains, ainsi que de leur environnement naturel (animal, végétal et minéral), qui sont capables de vivre en paix et de partager des biens, des services, des connaissances, des idées, un objectif d’avenir, des émotions et du bonheur, au sein de règles de vie basées sur une éthique planétaire (un « ethos » mondial), qui permette à chacun de « grandir » selon ses origines, son histoire et ses croyances ».

Pour en savoir plus, consultez la page : « L'ETHIQUE PLANÉTAIRE EST A CONSTRUIRE »

 

Pour se résumer et conclure, voici les réactions contributives de Claude Corman et de Charles Gibert ainsi que mes réponses :

Claude Corman : « Les deux éléments « l’être dans le monde » et « l’être-monde » permettent d’ouvrir la pensée sur la civilisation à d’autres champs qui lui étaient jusque là extérieurs.  Il ne s’agit alors plus seulement de recenser des civilisations disparates qui vont entrer en collision (ou l’ont déjà fait avec fureur dans le passé), ni de mettre le plus fort accent sur le progrès technique et la domestication de la nature, mais de mettre l’homme « sans qualités » et l’humanité ordinaire au cœur de la « civilisation ». Etant indissociable du cosmos, des minéraux, des végétaux, des animaux dont il partage l’origine (pour peu que l’on veuille bien accorder une place de choix à nos connaissances modernes sur l’infiniment petit et sur l’astrophysique),  l’être humain ne peut plus regarder la Nature comme un simple bien à conquérir sans s’aliéner lui-même et se mutiler. Et d’autre part, les hommes partageant une fraternité originelle, ne peuvent pas bafouer ou mépriser l’humanité commune, sans se ruiner dans le caïnisme.

Il n’est pas question de relativiser ou de nier les singularités, les richesses et les cultures diverses des peuples, mais de les incorporer à une humanité « rectrice », certes un peu abstraite, mais qui porte en elle l’espoir d’une universalité paisible. Notre responsabilité « d’être-monde » vis-à-vis de toutes les formes de vie de la nature rejoint ici notre responsabilité « d’être dans le monde » vis-à-vis de l’humanité entière. 

C’est dire à quel point la réflexion est ardue et complexe. Elle passe forcément par une double critique de la richesse et du progrès technique et par la recherche (pour l’heure assez désarmée) d’un éthos planétaire… Ton travail de synthèse autant que tes conjectures peuvent servir de prolégomènes à une très vaste et généreuse pensée ! »

Réponse de Laurent Vivès : mon cher Claude, tu mets l'accent ou ça fait mal : "l’éthos mondial". La bibliographie que j'ai trouvée est peu aidante. Je pense qu'il faudrait creuser entre deux falaises : la diversité infinie des humains et l'unicité "nucléaire " de l'homme en tant qu'avatar improbable de l'évolution, qui s’est faite du quantum à l’électron, l’atome, les molécules, le carbone, la vie, le génome, les phénotypes et l’esprit. Ors nous ne sommes plus à la hauteur du cadeau que nous a fait la nature, dans la mesure où nous avons perdu le contact respectueux avec elle. Je pense que nous avons à retrouver la dignité et la fierté de nous-mêmes (au regard du cosmos, c’est un honneur d’être un vivant humain), et agir en conséquence. Nous avons à valoriser notre essence commune et laisser les diversités s'exprimer à travers le concept de biodiversité qui s'applique aussi à nous. Cela passe par l'intelligence et la connaissance au détriment des bas instincts et du ressentiment comme freins à la libération de la pensée.

Charles Gibert : Ton article constate le décalage historique grandissant entre l’homme et le Monde, le civilisé et le barbare, l’éthique et le progrès.  En passant de la religion à la métaphysique, puis de la métaphysique  à la physique, la pensée prend chaque fois des distances avec le lien originel à la nature. Ce qu’il gagne en arrogance, l’homme le perd en lucidité. Et la pensée s’éparpille dans des relations horizontales interpersonnelles sur sollicitées par nos civilisations frénétiquement marchandes et nos sociétés du spectacle. Elle déserte la relation verticale qu’a l’homme entre la nature qui le porte et le ciel qui l’entoure.   

Comment l’homme pourrait il respecter la nature (et les autres) en sachant si peu sur lui-même, qu’il traite comme une machine (Descartes) ? Nous avons abdiqué de cette exploration de nous mêmes, alors que nous avons tant consacré aux spéculations scientifiques et philosophiques. « Connais toi toi même, et tu connaitras l’univers et les dieux », frontispice du temple de Delphes,  vers - 650 av JC. J’ai l’impression qu’a la veille de la deuxième révolution quantique et des nano particules, nous sommes restés pour autant des barbares. Nous avons raté un défi... en perdant un lien.

PS. : Gobekli Tepe, Turquie, 12 500 avant JC, 6000 ans avant l’agriculture, Sumer, etc... la sédentarisation par l’agriculture, et pourtant, déjà, un temple! Il y a longtemps que l’homme cherche ce lien, à l’univers, à la transcendance, à lui même

Réponse de Laurent Vivès : mon cher Charles, l’homme s’est sorti d’affaire depuis le début grâce à ses techniques, sources de progrès en se perfectionnant. Les anciens (au moins les Grecs pré Platoniciens) avaient le sens du Cosmos et s’y intéressaient. Aujourd’hui les gens ne regardent ni leur âme ni les étoiles, ils sont sur leurs smartphones. Dans la course au progrès nos vies s’accélèrent, plus le temps de méditer, de réfléchir, de s’introspecter. Cependant, pour en juger, nous avons une vision trop partielle et déformée de l’humanité (le numérique, les médias, l’éloignement, les langues). Ce qui est certain c’est que la technologie moderne nous détourne du lien avec la nature. Qui connait les plantes, les arbres les oiseaux aujourd’hui ? Très peu de gens. Je vais régulièrement en montagne et j’y vois plus de vacanciers et de sportifs que de botanistes. Il y a quant même un intérêt grandissant pour la campagne, la nature, la méditation, la relaxation, le Bouddhisme, la culture, l’art. Certains font des choix de vie et abandonnent les villes frénétiques.

Croire que la science et la technologie nous sauveront de nous-mêmes est un leurre. Comme tu le dis, l’homme doit apprendre à se connaître et à réfléchir sur son devenu et son futur.

Bibliographie - Sources

1 - Enquête internationale sur la« collapsologie » - Sondage IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès. 11.2019. https://jean-jaures.org/sites/default/files/redac/commun/productions/2020/1002/enquete_collapso.pdf
2 - La définition de la civilisation par les Grecs Classiques. Ionnis Petropoulos. Dans géopolitique des civilisations. Huntington, 20 ans après. 04.2013, p. 45-58 - https://doi.org/10.4000/anatoli.446
3 - Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l’empire romain jusqu’à la Révolution française. 1836. François Guizot (historien, philosophe, député et ministre)
4 - Premières civilisations, la préhistoire et l'histoire, jusqu'à la fin de l'Empire macédonien. J. de Morgan. 1909. Ernest Leroux, éditeur 28, rue Bonaparte, VI° Paris
5 - The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order (1996). Samuel Huntington ; éd. Simon & Schuster, 1997 (ISBN 9780684844411), p. 96
6 - Le Choc des Civilisations de Samuel Huntington. Vingt ans plus tard. Lawrence Harrisson.  04.2013 ; Géopolitique des civilisations. Partie 1. Témoignages, p. 25-35; https://doi.org/10.4000/anatoli.457
7 - Le discours du progrès dans l'histoire de la civilisation en Europe de Guizot. L'historien rattrapé par son sujet. Stéphane Zékian; Revue française d'histoire des idées politiques; 01.2006 n°23, pages 55 à 82.
8 - Civilisation(s) : pertinence ou résilience d'un terme ou d'un concept en géographie ? Michel Bruneau ; « Annales de géographie » ; 04.2010 n° 674, pages 315 à 337
9 - La notion de civilisation : généalogie et conceptualisations alternatives. L’idée de civilisation dans la pensée contemporaine. L’apport de la géographie et de l’histoire. Paul Claval.  04.2013, p. 57-76. Géopolitique des civilisations. Huntington, 20 ans après Partie 2. https://doi.org/10.4000/anatoli.463
10 - Civilisation - le mot et l’idée. Exposés par Lucien Febvre, Émile Tonnelat, Marcel Mauss, Adfredo Niceforo et Louis Weber. Paris: la Renaissance du livre, 1930. Centre international de synthèse Première semaine. Deuxième fascicule (du 20 au 25 mai 1929)
11 - Civilisations.  Retour sur les mots et les idées. Chryssanthi Avlami et Olivier Remaud. Revue de synthèse : tome 128, 6e série, n° 3-4, 2007, p. 1-8.
12 - Ce que « la civilisation » veut dire. Robin George Collingwood ; Presses universitaires de France ; « cités », 04.2002 n° 12, pages 149 à 185. https://www.cairn.info/revue-cites-2002-4-page-149.htm
13 - La « civilisation » : critiques épistémologique et historique. Michel Briand, Florence Dupont et Vivien Longhi. 11.2018. Publié dans histoire et anthropologie des mondes anciens. Cahiers « Mondes anciens » mis en ligne le 26 mars 2018.
14 - La 2° table ronde sur le dialogue entre civilisations met l'accent sur la tolérance aux différences et la reconnaissance des points communs. O.N.U., 22 novembre 1999. Communiqué de Presse SOC/4500
15 - La pluralité est l'avenir de la civilisation humaine. Denis Duclos ; Le Monde, 02.2012
16 - Manifeste pour une éthique planétaire. La déclaration du Parlement des religions du monde. Hans Küng et Karl-Josef Kuschel ed. Chicago, Les Editions du Cerf, 1995
17 – Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique. Hans Jonas, les éditions du Cerf,  1979
18 - L’analyse philosophique jonassienne de la théorie de l’évolution: aspects problématiques. Carlo Foppa ; Problèmes d’éthique contemporaine, Volume 50, numéro 3, octobre 1994 - https://id.erudit.org/iderudit/400872ar - Éditeur(s), Faculté de philosophie, Université Laval : Laval théologique et philosophique
19 - Réchauffement climatique: à part l'Europe, personne ne fait suffisamment d'efforts. Victor Garcia, L’express, 05.11.2019
 20 -  Nous sommes la première civilisation qui menace la présence humaine sur terre. Rémi Noyon, L’Obs, 17.10.2020.
21 - Climat, a t’on  déjà dépassé le point de non retour? Jean Paul Fritz. L’Obs 12.11.2020
22- Environnement : quels sont les pays qui en font le plus (et le moins) ? Leïla Marchand. Les Echos, 26 nov. 2019.
23 - Environnement Perfomance Index 2020. Yale University USA.  https://epi.yale.edu/
24 - L’idée de progrès. Une approche historique et Philosophique. Pierre-André TAGUIEFF. Les cahiers du centre de recherche politique de science po, 09.2002 / 32
25 - Étienne Klein : "Le Progrès est en voie de disparition". Par Denis Lafay ; La Tribune Auvergne Rhône Alpes, 14.02.2017

 
Civilisation - Culture - Grèce Antique - Refondation - NOTION - DEFINITION
La Civilisation Grèque - le Parthénon
Notion - Civilisation - Redondation - Clarification - Définition - ETHIQUE - JONAS
Saint Bertrand de Comminges

 

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