google-site-verification: googlefcc37dad176fa091.html democratie - LA VERITE : APPROCHE COLLABORATIVE ET CONTEMPORAINE
Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LA VERITE : APPROCHE COLLABORATIVE ET CONTEMPORAINE

Articles avec #democratie tag

D'ALEXIS DE TOCQUEVILLE A ELON MUSK OU LE PARADOXE DE LA DEMOCRATIE

26 Juin 2023 , Rédigé par Laurent Vivès Publié dans #DEMOCRATIE

C’est une banalité de dire que la démocratie régresse dans le monde. En 2022 moins de 50% des terriens vivaient dans une démocratie (pleine ou imparfaite) et 37% dans des régimes autocratiques.
 
Pays de l'U.E. dirigés par l'extrême droite en 2023
Dans l'Union Européenne en 2023, l'Italie, la Hongrie et la Pologne ont des gouvernements dirigés par l'extrême droite, la Lettonie et la Finlande ont des partis d'extrême droite dans leurs gouvernements, alors que pour la Suède il s'agit simplement d'un soutien sans participation.
La démocratie est plus présente en Europe et aux Amériques, alors que les dictatures foisonnent en Afrique, au moyen Orient et en Asie orientale.
 
Des facteurs sont souvent avancés pour expliquer cette évolution : la perte de confiance envers les pouvoirs politiques, le déclin de la notion de citoyenneté, l’affaiblissement des partis et des idées politiques, la corruption et la puissance du capitalisme, les restrictions de libertés occasionnées par la pandémie Covid-19, une résurgence des nationalismes et de l’islamisme, et plus récemment, l’impact des réseaux sociaux capables de manipuler l’opinion publique.
 
La démocratie est un idéal et un système social, que ne partage pas l’ensemble de la planète, malgré les luttes historiques qu’ont nécessité sa conquête.
 
Depuis Périclès et les citoyens grecs réunis en Ecclésia dans le Forum, exerçant une démocratie directe, puis la République Romaine, il y a eu plus de bas que de hauts, avec les oligarchies, monarchies et empires.
 
Des penseurs et philosophes ont donné leurs opinions, de Platon se méfiant de l’Égalité, d’Aristote défenseur de la Liberté, de Montesquieu et Rousseau opposés à la démocratie directe, de Spinoza plaidant « l'union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif », jusqu’à Alexis de Tocqueville.
 
Pourquoi Alexis de Tocqueville et Elon Musk ?
 
C'est un choix qui peut sembler incongru entre un penseur emblématique de la démocratie et un homme d'affaire inventeur qui ne semble pas très préoccupé par la démocratie et la sagesse. Plus d'un siècle les sépare et ils semblent à des années lumières l'un de l'autre. Ainsi, grâce à ces deux personnages on peut porter un autre regard sur l'ampleur de la transformation de notre monde depuis 1830.
 
Alexis de Tocqueville et Elon Musk
Alexis de Tocqueville (29.07.1805 - 16.04.1859)
 
Il est né à Paris 7 mois après le sacre de Napoléon1°. Issu d’une haute famille noble, ses parents ont échappé à la guillotine grâce à la chute de Robespierre. Il étudiera chez les Jésuites de Metz, et deviendra licencié en droit. Il se liera d'amitié avec François Guizot, puis Gustave de Beaumont, lui aussi noble magistrat. En 1931 Ils seront envoyés par le gouvernement Français aux États Unis d’Amérique, jeune nation décolonisée depuis le 4 Juillet 1776, pour y étudier les prisons. Il y séjourneront un an, voyageant et rencontrant nombre de personnalités dont le président des U.S.A. Andrew Jackson. De ce voyage Tocqueville tire son œuvre principale « De la démocratie en Amérique », publiée en 1835.
ALEXIS DE TOCQUEVILLE
Il va ensuite entamer une longue carrière politique en étant élu député de la Manche en 1938 et réélu brillamment 5 fois jusqu'en 1852. En 1846, il apporte un soutien réformiste à la monarchie de Juillet. En 1848 c’est la Révolution. Il sera élu à l’assemblée constituante de la 2° république et participera à la rédaction de sa constitution. En 06.1849 il est ministre des affaires étrangères du Président de la 2° République, Louis Napoléon Bonaparte. Puis il s’opposera au coup d’état de Bonaparte du 01.12.1852, ce qui lui valut l’emprisonnement et la privation de ses droits civiques.
 
Il a été analyste et acteur du 19° siècle, période riche en péripéties politiques et porteuse d’espérances en la Démocratie. Il est reconnu dans le monde entier comme un penseur majeur de la démocratie. Il s’est beaucoup documenté dans les bibliothèques et les archives, en particulier pour son ouvrage « l'Ancien Régime et la Révolution ». Issu de la noblesse il s’est aussi préoccupé des gens pauvres et s’est battu pour l’abolition de l’esclavage et la défense des libertés et contre les colonisations.
 
La personnalité d’Alexis de Tocqueville.
 
Il était un homme simple, sage et diplomate, qui a nourri sa réflexion de  la confrontation à la réalité et du dialogue (y compris avec le peuple). Bien qu’issu de la haute noblesse il a vécu simplement. Il va épouser une roturière anglaise sans charme apparent avec laquelle ils formeront un couple uni. Elle l’a soutenu et traité avec amour et bienveillance.
Il n'est ni révolutionnaire ni pur libéral. Il aime avant tout la liberté et il a payé de sa personne pour cela. En 1841, il proclamait: "Je hais la démagogie, l’action désordonnée des masses et leur intervention violente et mal éclairée dans les affaires". Intègre et honnête, l’argent lui a souvent manqué. Il a fini sa vie humblement dans sa résidence familiale.
 
La pensée d’Alexis de Tocqueville
 
Elle se situe dans la continuité de Montesquieu et Rousseau, enrichie par l'épisode de la révolution Française et de la naissance des États Unis d'Amérique. A la fois sociologue, historien, politicien et mémorialiste il se définissait ainsi : « Je n'ai point de parti, je n'ai point de cause, si ce n'est celle de la liberté et de la dignité humaine ».
 
Il a reconnu et défendu le besoin d’équité et d’égalité du peuple et redouté qu’il ne finisse par effacer celui de liberté, en s’enlisant dans la sécurité de l'égalité et dans l’individualisme. Il a été le premier à anticiper sur les dangers de la démocratie dans cette relation égalité- liberté. D’après Pierre Manent, "son amour de la liberté fait de lui un Libéral, et sa crainte que le besoin d’égalité ne finisse par effacer le sens civique et exacerber l’individualisme, fait de lui un Républicain".
 
En 2023 beaucoup d’indices confirment les inquiétudes de Tocqueville, qui redoutait l’apparition future des despotismes dans les sociétés égalitaires, endormies dans le confort matériel, réifiées par la technologie triomphante, oubliant les devoirs de la citoyenneté et laissant l’état administrer la « dictature de la majorité » .
 
Il a aussi été un fin analyste des causes de la Révolution Française: c'est la noblesse qui en a été l'acteur principal (son pouvoir ayant été très réduit par Louis XVI au profit de l'administration et 47 nobles ayant rejoint le 1/3 état le 25.06.1789). Elle est survenue alors que le peuple Français était celui en Europe qui avait le moins de raisons pour la faire, et la faiblesse du roi à la réprimer en a favorisé l'aboutissement. Pour Tocqueville, "Elle a formé, au-dessus de toutes les nationalités particulières, une patrie intellectuelle commune dont les hommes de toutes les nations ont pu devenir citoyens."
Elon Musk
 
Est né à Pretoria le 28.06.1971 d’un père Sud Africain et d’une mère Canadienne
 
Elon Musk et sa mère
Son père est un riche ingénieur et promoteur immobilier ayant investi dans une mine de diamants. Le jeune Elon fait preuve des grandes capacités informatiques, mais aussi de curiosité et d’une soif de culture. Il ne s’entend pas avec son père et doit se défendre des agressions à l’école. A 17 ans il rejoint sa mère et devient Canadien. Il étudie à la Queen’s University de Kingston, d’où il sort diplômé à l’âge de 21 ans. Il part aux U.S.A. étudier la physique pendant 3 ans à l’université de Pennsylvanie. Il obtient ensuite une bourse pour Stanford, qu’il va décliner.
 
Pourvu d’un Q.I. estimé à 155, Elon Musk va devenir un entrepreneur inventif et un homme d’affaire qui s’enrichit vite.
 
Il co-fonde un éditeur de logiciel « ZIP2 » qui sera vendu 300 millions de dollars en 1999. Il fonde ensuite une banque et fait fructifier PAYPAL en peu de temps. En 2002 il crée Space X dont on connaît le succès. En 2004 il rentre au capital de TESLA et en devient le P.D.G. en 2008. En 2013 il présente Hyperloop, projet de métro aérien a très grande vitesse, dont il va proposer la réalisation à des startups. A ce jour, pas d’avancées.
 
En 2015 c’est Powerwal système de stockage tampon d'énergie domestique intermittente, qui pourrait déboucher sur une révolution de l’approvisionnement électrique via des batteries lithium de taille moyenne. Musk a un consortium pour mener à bien ce projet gigantesque et révolutionnaire.
 
Il est aussi impliqué dans la robotique (y compris « humanisée ») et l’intelligence artificielle (Open A.I. en 2015). Avec Neuralink (électrodes cérébrales pour les paralysés) il a en ligne de mire le transhumanisme et "l'homme augmenté". Il n'a pas reçu à ce jour l'autorisation de la F.D.A. pour débuter un essai clinique. Il s’occupe aussi de creusement de tunnels (Boring company) et d’énergie solaire. Avec Starlink c’est l’internet mondial et des satellites par millier qui brillent dans le ciel.
Musk avance comme un bulldozer, bousculant les idées reçues, réussissant contre toute attente (Tesla et Space X), faisant fi des réticences scientifiques et des problèmes éthiques que ses projets peuvent poser.
 
L’affaire Tweeter est en cours et fait la une des journaux. Nous la détaillerons plus loin, car elle est en lien avec une problématique démocratique.
 
En 2021 Elon Musk devient l’homme le plus riche du monde. Il est très médiatisé. Time l’a désigné personnalité de l’année 2021 et débute son portrait ainsi : “L’homme le plus riche du monde ne possède pas de maison et a récemment vendu sa fortune.  Il jette des satellites en orbite, exploite le soleil et conduit une voiture qu’il a créée, qui ne consomme pas d’essence et a à peine besoin d’un chauffeur.
 
La personnalité d’Elon Musk
 
Elle est à la hauteur de ses réalisations. Bourreau de travail, inventif, hyper intelligent, mégalo, franc parleur et moqueur, joueur, autoritaire, exigeant pour lui et avec les autres, cultivé et imprévisible. L’argent n’est pas son premier but mais un moyen pour faire ce qu’il veut. Cependant il n’a pas payé d’impôts pendant plusieurs années profitant des lois de Donald Trump en faveur des riches. Pour Space X il a reçu 24 milliards de dollars d'argent public. Il a une vie conjugale agitée (5° légitime) et communique énormément.
 
D’après les témoignages de gens qui l’ont connu et/ou travaillé avec lui, le dialogue se résumerait à un monologue de sa part. Parfois il semble incohérent et impulsif. Il se disperse et se mêle de politique. Il n’est pas à une contradiction près, demandant l’arrêt des subventions des entreprises après en avoir grassement bénéficié pour Tesla et Space X, licenciant des milliers d’employés de Tweeter tout en se réclamant du libéralisme. Il ne semble pas animé par l’altérite et l’humanité, ni attaché à ses racines. C’est un oligarque innovant, créateur, extraverti et sur de lui.
 
La pensée d’Elon Musk.
 
Il est avant tout un libertarien, et c’est la liberté d’entreprendre qui a facilité sa réussite (due d’abord à son talent et son travail). On ne peut pas dire qu’il soit un grand penseur et ses idées font peur à beaucoup de gens: libertarisme radical, liberté d’expression absolue, laisser aller économique, réduction du rôle de l’état, conquête commerciale de l’espace, robotisation, fusion cerveau-ordinateurs, transhumanisme. Es t’il sincère quand il proclame lutter contre le réchauffement climatique et faire le bonheur des hommes? Tous les dictateurs veulent faire le bonheur de leurs peuples.
 
Elon Musk réalise ses propres rêves avec la technologie et son business. Il le fait pour lui avec quelques riches, et ne se préoccupe pas du sort du peuple. Il n’a peur de rien, construit des usines gigantesques, remplit le ciel de satellites, fait travailler des robots qui remplaceront les hommes et fait rouler des voitures sans chauffeur.
 
La terre devient irrespirable, fuyons la. L’homme est dépassé et dévoré par l’intelligence artificielle, implantons la dans nos cerveaux, et devenons des hommes augmentés, cherchant l’immortalité. Il n'apparaît pas concerné par la sagesse, l’amour du prochain, l’empathie, la connaissance de soi et le partage. Il a une conception messianique et démiurgique de son action : le messie qui devient le grand architecte du monde.
 
Il a récemment déclaré lors d'un interview avec Anne Sophie Lapique qu'il n'a pas besoin de devenir président des États Unis, car il a déjà plus de pouvoir d'action que lui dans certains domaines (voir une extrait de l'interview).
La  Démocratie

Étymologiquement et à son origine, une démocratie est le gouvernement par le peuple. D’abord exercé directement par lui, puis par les représentants qu’il a élus, le recours à la démocratie directe reste encore possible via les référendums. La démocratie n’est pas la république, de nombreux royaumes sont bien plus démocratiques que certaines « démocraties ».
 
Pour parler de démocratie il faut une nation souveraine, une constitution, des élections libres et sans fraudes, des libertés de circulation et d’expression, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire avec une justice indépendante et une égalité des citoyens devant la loi, un gouvernement qui agit pour le bien commun, sans corruption et garantit la sécurité, l’éducation et le respect de la personne humaine.
 
La démocratie est avant tout un idéal, elle est porteuse de valeurs et ne se résume pas à une simple élection. Elle est en mouvement permanent et prend des aspects très variables selon les pays ou elle s’applique.

 Je ne vais pas reprendre ici l’histoire de la démocratie depuis 1830.

Personnes vivant en Démocratie ou Autocratie dans le Monde depuis 1800
Graphique 1 : Personnes vivant en Démocratie ou Autocratie dans le Monde depuis 1800

Sur le graphique 1 on voit bien qu’à cette époque elle était quasi inexistante (mis à part les U.S.A., l’Angleterre, Haïti, l’Espagne, la Grèce, et la Serbie…). En 1850, il y avait en plus la France, la Germanie, les Pays Bas, le Danemark. Viendront ensuite l’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle Zélande, la Perse. L’émergence de démocratiques a bénéficié de l’après guerre dès 1918, de la décolonisation et du déclin du communisme (graphique 2)

Evolution des démocraties depuis 1800 dans le monde
Graphique 2 : Nombre de nations scorant 8 et plus de 1800 à 2003

 

 
A la fin du 20° siècle on compte près de 60 démocraties. A première vue, la démocratie n’aurait que des vertus, chacun s’en réclamant, même les pires dictatures comme les Républiques démocratiques du Congo, de Chine ou de la Corée du Nord.
 
Après la chute du Mur de Berlin et de l’URSS on à cru avec Francis Fukuyama au triomphe de la démocratie politique libérale.
 

La question du Populisme

 
Le populisme est un concept flou parce que la base de son fondement est le « peuple », entité indéfinissable, qui, pour l’historien Pascal Ory (12), est avant tout une « fiction utile ». Du « peuple d’une nation » englobant toutes les personnes qui la composent au « petit peuple » travailleur et plutôt pauvre, de nombreuses acceptations sont possibles. Qui est le peuple, qui ne l’est pas ? Le peuple a bonne réputation, il est « pur » et humble. Pourtant il peut aussi avoir des côtés obscurs et « être autoritaire, jusqu’à l’amour de la dictature et identitaire, jusqu’à la xénophobie » souligne Pascal Ory (12).
 
Philippe Raynaud dans « Vie Publique » (13) s’est penché sur les « populismes » qui ont débuté en Russie vers 1860, dans les villages, puis aux U.S.A. (People’s Party 1892) dans les milieux agricoles, et en France avec le Boulangisme pendant la III° République (1886), venant d’une droite nationaliste et Bonapartiste autoritaire, citadine, petite bourgeoise et ouvrière.
 
Depuis le populisme a évolué. Partant d’une connotation radicale et autoritaire de droite, il est attaché au rétablissement de l’ordre, à la préférence nationale, dénigre les gouvernants et utilise la démagogie. Il peut être aussi nationaliste vindicatif, attentatoire aux libertés fondamentales, raciste et xénophobe. Il surfe sur les ressentiments et l’illusion d’une reconquête identitaire basée sur l’anathème de boucs émissaires tels que les musulmans et les migrants.
 
Philippe Raynaud conclut son papier ainsi : « La prospérité actuelle du populisme est le miroir inversé des démocraties contemporaines : il exprime à sa manière les limites du formalisme libéral, les difficultés de l’intégration sociale et d’une gouvernance qui représente mal et donne le sentiment de ne plus gouverner. Le populisme est donc une pathologie compréhensible sinon « normale » de la démocratie d’opinion, dont il accompagne comme son ombre le développement. »
 
Que faire pour aider la démocratie ?
 
D’après Jan-Werner Müller (15), professeur de philosophie politique à Princeton, « Seule la mobilisation des citoyens peut sauver la démocratie». Il voit dans le populisme la conséquence de l’économie libérale mondialisée, enrichissant outrageusement l’élite et éliminant les pauvres gens de la vie politique, qui tombent dans les bras de la sirène populiste promettant de leur rendre une vie meilleure. Il avance la notion de « démocratie incertaine » (14) qui, de par les élections périodiques, est porteuse de changements. Müller reprend l’idée (avancée par Karl Lowenstein) de « démocratie militante » ou les démocraties doivent se défendre fermement contre les extrémismes et les actions violentes (telles que la prise du capitole par les Trumpistes).
 
Beaucoup de politiciens diplômés et fortunés sont jugés comme étant isolés et peu au fait des « quotidiennetés populaires ».
 
Les grands maux de la démocratie sont les injustices, la perte de la confiance et de la légitimité envers le pouvoir, la rupture du lien entre les gouvernements et les électeurs, la corruption, l’individualisme et la difficulté à gouverner qui s’accroît avec la modernité, accélérée par les médias, internet, les impatiences et divisions des peuples et de leurs élus.
 
Le financement de la vie politique est aussi à revoir selon Julia Cagé (16) car la part des fonds privés augmente beaucoup par rapport au public et aux cotisations des adhérents, avec une défiscalisation avantageuse. Il y a là une perte de la démocratie au détriment des gens démunis par rapport aux riches qui, pour la plupart financent des partis de droite.
 
Il me semble que la démocratie relève pour beaucoup de la responsabilité de tous les citoyens. La perte du sens civique et l’abandon de l’action politique citoyenne créent un vide dans lequel les opportunistes peuvent s’engouffrer. L’affaiblissement des partis politiques, l’effondrement du nombre de leurs adhérents, la quasi disparition du militantisme (délaissé au profit de la vie associative, du sport, des loisirs, du caritatisme, du repli sur la sphère intime et du consumérisme), sont d’abord le fait d’une déresponsabilisation de chacun et d’un individualisme prégnant contribuant à l’abstentionnisme.
 
Se posent aussi les problèmes de la représentation, biaisée par des systèmes électoraux inéquitables et de la déstructuration de la société, perdant ses repères traditionnels comme les syndicats, la presse écrite, et l’enseignement.
 
La vie démocratique ne se résume pas aux élections. Chaque citoyen peut s’impliquer selon ses envies, ses disponibilités et ses compétences. Mais la vie moderne se prête peu à cela : autres tentations et activités, travail et impératifs quotidiens nous détournent de la réflexion et de l’action politique. Dans ma jeunesse les gens parlaient et faisaient de la politique. On disait « occupes toi de la politique sinon, elle, s’occupera de toi « . Nous avions une culture politique qui nourrissait nos convictions et nos choix.
 
Notre confort nous aveugle. Regardons ce qui se passe en Chine, en Russie, en Corée du Sud, en Iran, en Turquie, en Syrie, au Venezuela, en Birmanie, au Tchad, en Érythrée, au Soudan, au Congo, au Mali, en Israël et dans toutes les dictatures et démocraties autoritaires… Nous avons la chance de vivre en démocratie, celle-ci vaut bien que l’on s’y intéresse et que l’on participe à sa vitalité.
 
Égalité
 
L’égalité n’existe pas dans l’univers, sauf en mathématiques. Nous sommes tous différents et inégaux. Ce vers quoi l’on tend c’est « l’égalité de condition », conceptualisée par Tocqueville lors de son voyage aux U.S.A. Il avait été frappé par le fait que tout citoyen pouvait prétendre aux plus hautes fonctions que ses capacités et une certaine chance pouvaient lui permettre d’atteindre. Ainsi le valet de chambre d’un riche bourgeois pouvait un jour le quitter pour devenir un homme d’affaire bien plus enviable que son ancien patron.
 
Quelle que soit sa position sociale chaque citoyen doit être traité avec considération, en particulier devant la justice et par la police. Son appartenance ethnique, la couleur de sa peau, son genre, sa religion ne doivent pas lui porter préjudice. Tous les enfants doivent avoir des chances égales de réussite scolaire. Des progrès considérables ont été réalisés dans ce sens.
 
Malgré une réduction de l’extrême pauvreté et une élévation générale du niveau de vie dans le monde depuis 2 siècles, les inégalités se sont creusées dans cette marche en avant qui a beaucoup plus profité aux très riches (16). Dans 20 ans, 0,1% des humains les plus fortunés possèderont 75% des richesses de la planète !
 
Il reste encore des inégalités importantes qui s’acutisent depuis la crise énergétique et l’inflation. En France on note une accentuation de la pauvreté (4,8 millions de pauvres en 2020), surtout chez les jeunes et en particulier les étudiants.
 
Des minorités sont brimées et oppressées partout dans le monde, dont les minorités musulmanes (les Rohingyas en Birmanie, les Ouïghours en Chine, les Thaïlandais du sud, en République Centrafricaine). La Russie, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan contrôlent étatiquement les activités religieuses, alors qu’Israël, l’Irak et le Yemen se livrent à des oppressions contre des minorités religieuses, ainsi que de nombreux autres pays (Graphique 7)..

L’O.N.U. a crée un chapitre populations vulnérables sur son site internet. Il s’agit des femmes, des LGBTQIA+, des migrants, des Roms, des Sinti, des Nomades, des réfugiés, des personnes ayant une ascendance Africaine, des pauvres, des peuples autochtones et de toutes les minorités Elle a publié le 19.12.1992 la déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.
 
Aux U.S.A. en 1957 à Little Rock (Arkansas), le racisme excluait les noirs des lycées. Il a fallu un dur combat pour que 9 adolescents noirs arrivent à se faire accepter face aux agressions violentes des autres lycéens. Ceci conduira aux lois anti-discrimination ( Affirmative Action ), qui font encore débat de nos jours avec des votes populaires contradictoires selon les états et qui embarrassent la cour suprême. Les violences policières envers les noirs ont été réactivées avec le Trumpisme. Les Asiatiques aussi sont victimes de discrimination.
 
Tocqueville, se méfiait des maux induits par l’égalité (8), qui peut « produire l’uniformisation de la création, la simplification de l’opinion, l’oubli de la citoyenneté, la jouissance matérialiste, et surtout, l’isolement des individus, ce sur quoi le despotisme peut prendre appui […] rendant moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre […]. Le péril de la démocratie, c’est de brimer liberté et autonomie de l’individu, de figer la réalité sociale, de refuser son mouvement et d’y imposer un égalitarisme fixant la liberté ».
 
3 – Les libertés
 
Article 4. de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». A cela s’ajoutent la déclaration des droits de l’homme de l’O.N.U. de 1948 , la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7.12.2000, ainsi que les diverses constitutions dans les démocraties libérales.
 
Liberté et droits sont interdépendants : les droits nous accordent des libertés de faire ce qui est autorisé. Il faut ajouter la liberté de choisir (le libre arbitre) et la responsabilité de nos actes. L’état n’a pas de tendance spontanée à étendre les libertés, surtout en période de crises (Covid 19, dérèglement climatique), et aussi pour des raisons de sécurité, de fichage des citoyens et pour divers contrôles (identité, fiscalité, respect des règles, etc…). Ce sont le conseil d’état et le conseil constitutionnel qui ont étendu les libertés, ce qui participe au développement de la démocratie.
 
Les droits fondamentaux : droits à la vie et au respect de la dignité humaine, au respect de la vie privée, au respect de l’intégrité physique, à la non discrimination, a des moyens d’une vie digne, à la sûreté, à la santé, au travail, à l’instruction, à la culture, à la grève, à la confidentialité et à la protection des données personnelles (C.N.I.L.)…
 
Les libertés fondamentales : de mouvements et de déplacements, d’expression, d’opinions, de conscience, d’avoir une religion, de communication, de réunion et d’association.
 
Ces dernières années toutes sortes de libertés ont été revendiquées : apparence vestimentaire, port du voile, préférences sexuelles, s’alcooliser, utiliser des psychotropes, changer de vie et/ou de mœurs, taguer, faire prévaloir sa différence. Les standards de vie, de goûts, de mœurs explosent. Les réseaux sociaux donnent la possibilité à chacun de s’exprimer, se filmer, se faire valoir, d’avoir des « followers », de devenir des influenceurs. C’est surtout le fait d’une certaine jeunesse en refus des normes, avide de liberté, mais aussi en perte de repères, prise dans la puissance des smartphones.
En fait tout ceci se résume par le « c’est mon choix ». Mon choix fait loi, injustifiable, rédhibitoire. Le monde Occidental individualiste est plus concerné que les pays ou le sentiment de la collectivité est plus fort.
Agata Zielinski (17) revient sur l’autonomie qui est une libération des contraintes (autrui, émotions et impulsions, qui débouche sur « se donner ses propres lois »), sur l’autodétermination (capacité à se déterminer pour et par soi même) et l’indépendance (choisir par soi même envers les autres et l’état). Mais nous ne sommes pas vraiment indépendants. Pour Emmanuel Kant le libre choix est rationnel, avec des raisons valables. Hannah Arendt entend la liberté comme initiative ou créative, comme action, la vraie liberté politique. Jean Paul Sartre rattache l’expérience de la liberté à celle de l’angoisse créée par le choix devant le vaste champ des possibles.
Cette prévalence de la liberté se trouve aussi dans la technologie, l’économie et les stratégies impactant le futur. Elon Musk en est l’archétype, le modèle, le chantre. Ceci débouche sur la perte du sens, des repères, de l’éthique et de la sagesse. Le libre choix ne veut pas dire faire n’importe quoi. Il faut l’éclairer à la lumière des connaissances de la situation avec tous les tenants et les aboutissants, et aussi de la morale et de l’éthique.  Car nous vivons dans un monde contraint avec une problématique constitutive, inéluctable : notre planète et sa nature.
 
Du bon usage de la liberté :
 
Bossuet disait : « Le bon usage de la liberté quand il se tourne en habitude, s’appelle vertu et son mauvais usage quand il se tourne en habitude s’appelle vice ». Pour Kant, seul un être moral peut être libre. Pour Spinoza, l’homme ne peut échapper aux lois de la nature, et ce constat limite ses libertés.
Nos libertés ne sont pas définitives ni universelles, d’où la nécessité de bien les utiliser si l’on veut les conserver. Réfléchir et connaître avant de parler et d’agir. Se protéger des émotions et de la colère. Envisager les conséquences de nos paroles et de nos actes.
 
Avant de conclure : Démocratie, la technologie, internet et les réseaux sociaux
 
Les Français sont très attachés à la démocratie, mais plus de 60% d’entre eux pensent qu’elle est menacée.
 
La « disrupture », mélange d’esprit entrepreneurial et de nouvelles technologies « de rupture », pose le dogme que le progrès technique est inéluctable et toujours pour le meilleur, entraînant avec lui l’humanité toute entière (18). Des dispositifs démocratiques sont intervenus à de nombreuses reprises dans la régulation des progrès scientifiques et techniques avec diverses fortunes. Pourtant la disruption technologique est l’affaire de tous. Jacques Testard plaide pour que des Conventions Citoyennes tirées au sort donnent leurs avis aux parlementaires sur les sujets d’intérêt national. C’est un embryon de démocratie participative, qui pourrait aussi tirer bénéfice du numérique et de l’intelligence artificielle pour des consultations populaires, des aides à l’information et aux prises de décisions.
 
Rappelons le danger que représentent les G.A.F.A.M. (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), organismes gigantesques omniprésents dans nos vies, plus puissants que les états, détenteurs de richesses colossales (dont les bases de données, y compris de nos vies privées), qui sont quasi défiscalisés et dont nous sommes totalement dépendants.
 
Tout le monde est au courant du rachat de Tweeter par Elon Musk qui a fait couler beaucoup d’encre. Officiellement il veut libérer l’expression populaire, rendre service à l’humanité. Il a licencié la moitié de son personnel, et les choses prennent une tournure désagréable pour lui. Les langues se délient, on parle d’inconstance, de non crédibilité, d’improvisation et d’imprévisibilité. Elon Musk s’entend bien avec Donald Trump dont il a autorisé la réouverture de son compte. Les annonceurs commencent à lâcher Tweeter. Beaucoup accusent Elon Musk de mettre en danger la démocratie.
Cependant les réseaux sociaux ne l’ont pas attendu pour cela, avec les fake-news, les toxics-datas, la multiplication des comptes anonymes pour faire pression sur les gens, des algorithmes imparfaits et une insuffisance de personnel pour modérer et réguler.
 
David Chavalarias a dirigé une longue et sérieuse étude sur « Comment les réseaux sociaux manipulent nos opinions » (19). Il apparaît qu’ayant créé pour son étude de nombreux comptes « modérés », beaucoup d’entre eux ont été envahis, faisant évoluer les sujets et les contacts vers les extrêmes. Les algorithmes vous poussent dans les bras des groupes extrémistes. Ceci peut amener des changements d’opinions et influencer fortement le vote de plusieurs dizaines de milliers d’électeurs. Dans des élections serrées cela pourrait inverser les résultats.
 
La nécessité de régulation est évidente : en premier lieu, supprimer l’anonymat qui permet l’agressivité et le mensonge impunis et ensuite imposer aux opérateurs un code de déontologie opérationnel. Cependant de régulation à censure il n’y a qu’un pas. Entre liberté sauvage et dialogue respectueux d’autrui, il y a une marge sur laquelle le parlement Européen travaille, mais la problématique est très complexe. Le D.S.A. (Digital Services Act) et le D.M.A. (règlement sur les marchés numériques) sont en route. Le D.S.A. entrera en cours dès 2023 visant les grandes plateformes dont les GAFAM. Il s’appliquera dans l’Union Européenne et 60 pays ont signé la charte. Mais des textes à la pratique il peut y avoir un monde..

Synthèse et Conclusion

Ces deux personnages sont diamétralement opposés. Tout les sépare : leur condition de départ, leur siècle, leur caractère, leurs idées, leurs façons de faire, leurs valeurs, leur pensée, leur vie. Pour autant ils sont très symboliques, connus et appréciés, portés tous les deux par une dynamique vers un futur meilleur. De la sagesse, la perspicacité, la clairvoyance et la cohérence de Tocqueville à la fulgurance, la puissance, le « génie » et l’originalité de Musk on mesure l’ampleur de l’évolution de nos temps modernes. Un accélérateur dans lequel la vitesse, le paraître, la technologie et l’argent prédominent au détriment de la sagesse, de la réflexion et du partage.
 
Cependant il faut garder à l’esprit les progrès sociaux, la conquête des libertés, l’amélioration du niveau de vie, des connaissances et de la culture. Une humanité plus instruite, informée, plus nombreuse, hyper connectée, mais qui comme Tocqueville l’avait prédit s’enlise dans la matérialité, l’individualisme, le confort et abandonne la citoyenneté.
Fasse qu’Elon Musk lise un jour Alexis de Tocqueville et utilise sa liberté et ses capacités, aussi pour le bien commun, le partage et l’amour du prochain… Autant croire au père Noël.
Lire la suite